Zoltan Kocsis et Denis Matsuev: un duo de choc
Denis Matsuev est une nature. Un phénomène. On le sait. Mais dans le 2e Concerto et la Totentanz de Liszt, on ne peut qu’être saisi par l’adéquation entre la virtuosité visionnaire des œuvres et celle du pianiste. Matsuev fond le clavier dans le métal, l’air et l’eau, et provoque des jaillissements sonores d’un autre monde. Puissance, pyrotechnie digitale, liberté musicale: dans ce registre, le Sibérien dépasse les touches pour atteindre directement le son. Et le bonheur de son jeu est électrisant. Pas une note ne lui échappe, pas un soupir ne lui résiste. La folie instrumentale de la Totentanz semble s’effacer sous ses doigts implacables et insaisissables. On peut chercher la petite bête. La palette des couleurs, la hauteur d’esprit, une certaine délicatesse musicale. Rien ne tient. L’interprète balaie d’un revers de glissando les arguments de la raison, du style et des codes. Il arrache le piano du sol et transporte Liszt dans la quatrième dimension. La sienne, en somme…
Sur l’estrade, Zoltan Kocsis met son regard à l’écoute, et son corps, traversé de notes, répond à chaque mélodie. Il connaît ces partitions diaboliques pour les avoir jouées, lui aussi. A la baguette, cette intimité de pianiste à pianiste rend le meilleur: un accompagnement fusionnel, attentif, sensible et aimant. Suivi dans cette complicité par un Philharmonique de Saint-Pétersbourg compact, souple et engagé, le chef et pianiste hongrois peut lâcher les rênes dans les Danses slaves de Dvorák. Tout roule, tout coule, tout chante. Avec chaleur, tendresse et vitalité. La rythmique est tenue serré, les harmonies rayonnent et les mélodies livrent leur beau miel d’Est. Un régal.
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