Denis Matsuev en appelle à Poutine pour sauver la mémoire de Rachmaninov

October 24 2013

Le pianiste Denis Matsuev a demandé au président russe Vladimir Poutine d’intervenir pour organiser l’acquisition de la Villa Sénar, ancienne demeure de Sergeï Rachmaninov construite en 1930 au bord du lac de Lucerne en Suisse, et éviter ainsi le démantèlement et l’éparpillement des archives du compositeur.

L’angoisse autour du devenir de ce patrimoine a débuté à la mort d’Alexandre Rachmaninov, le petit-fils du compositeur, le 1er novembre 2012. Alexandre, qui résidait en Suisse, avait établi la Fondation Rachmaninov et veillé avec grande attention à maintenir le patrimoine et la flamme autour de la mémoire du compositeur.

Matsuev, invité en 2008 par Alexander Rachmaninov à devenir le directeur artistique de la Fondation, craint désormais une opération immobilière et un démantèlement de la collection par les héritiers d’Alexandre : « Ces gens ne savent pas, hélas, qui est Sergeï Vasilievich Rachmaninov. Tout tourne autour de l’agent » En entrevue au Devoir, Matsuev confirme sa rencontre avec le président russe, juste avant de partir pour Montréal. « J’ai rencontré Vladimir Poutine mercredi dernier à Moscou pour lui parler du problème, en suggérant que la Russie pourrait acquérir Sénar. Rachmaninov était nostalgique de la Russie, la Russie lui manquait, il était un Russe [malgré son exil, après 1917]. C’est donc un endroit historique patrimonial renfermant une atmosphère, son piano, des lettres, des partitions. »

Pour son plaidoyer, Matsuev fait appel à un précédent, en 2007 : « Le fonds Rostropovitch a été acquis intégralement par l’oligarque Alisher Usmanov qui l’a ensuite offert à un musée à Saint-Pétersbourg. Ce serait bien qu’un oligarque puisse acheter la villa de Rachmaninov. Ce n’est pas trop d’argent pour sauver sa mémoire : vingt millions de francs suisses [22,8 millions de dollars canadiens]. Rachmaninov est une idole. Je pense que nous le ferons. »

En 2007, Usmanov avait préempté la collection du violoncelliste Rostropovitch (450objets) chez Sotheby’s à Londres. La presse avait parlé à l’époque de « plus de 70 millions de dollars ». Matsuev évoque « 100 millions de livres sterling », ce qui fait de la Villa Sénar, en comparaison, une sorte d’aubaine : « La Villa est préservée, comme si le temps s’était arrêté il y a 70 ans : le lit, les fenêtres, la table et la chaise où il a composé la Rhapsodie sur un thème de Paganini et les Danses symphoniques. Tout ! », précise le pianiste.

On comprend que les choses pourraient aller de l’avant assez vite et Matsuev se montre optimiste : « Après la réunion avec Poutine, j’étais d’excellente humeur… », dit-il en riant. Un démantèlement : « Je ne veux pas parler de cela. La probabilité est de 0,0001 %. Croisons les doigts. » Quant au devenir de la collection et de l’endroit, après l’opération, le pianiste considère qu’il sera toujours temps d’y penser.

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