"[Paris] D’un Tchaïkovski brillant aux rêveries d’Harold"

January 2 2012

Charlotte Loriot, ResMusica.comJanuary, 15, 2011Paris. Salle Pleyel. 12-I-11. Piotr Ilyitch Tchaïkovski (1840-1893) : Concerto pour piano n° 2 en sol majeur, op. 44. Hector Berlioz (1803-1869) : Harold en Italie, symphonie en quatre parties avec alto, op. 16. Maurice Ravel (1875-1937), Daphnis et Chloé, suite n° 2. Denis Matsuev, piano, Antoine Tamestit, alto. Orchestre de Paris, direction : Paavo Järvi. Les premières pages du Concerto de Tchaïkovski ont installé d’emblée une atmosphère énergique et vigoureuse. Paavo Järvi a su conserver une sonorité ample jusque dans les éclats ou climax orchestraux, avec une plénitude rare. Il a laissé s’épanouir chaque individualité dans l’orchestre, sans nuire en rien à l’homogénéité. Denis Matsuev quant à lui a tout de suite imposé sa « patte » : son entrée n’est pas passée inaperçue, avec les couleurs brillantes de son jeu pianistique, tantôt dialoguant avec l’orchestre, tantôt héros soliste, notamment pour la cadence du premier mouvement. Cascades d’accords et de traits véloces, technique lisztienne des martèlements alternés : on a admiré la maîtrise de ces passages, joués dans un halo de pédale savamment contrôlé qui estompait l’aspect presque clinquant de cette virtuosité. L’Andante du Concerto a introduit un climat plus serein, avec l’émergence de deux nouveaux solistes, le violon et le violoncelle, et leur mélodie aux inflexions de valse lente. Moment de repos avant l’Allegro con fuoco enlevé, dansant et animé, dont le style et l’envolée finale visent à déclencher les applaudissements – ce qui n’a pas manqué. Au public qui lui faisait fête, Denis Matsuev a offert deux bis, le premier plus expressif, et le second dans le style athlétique qui semble tant lui convenir, avec une transcription de « Dans le château du roi des montagnes », extrait de Peer Gynt de Grieg. Son jeu est parfois « bling bling », dans la lignée de Lang Lang, mais il faut reconnaître qu’il éblouit : du grand spectacle, peut-être, mais de haute volée. Après l’entracte, Harold en Italie a introduit un nouveau climat. Le choix d’un tempo relativement modéré a permis au personnage byronien incarné par l’alto - ce soir Antoine Tamestit - de s’épancher entre deux crescendos. La baguette de Paavo Järvi soutenait cette rêverie en soignant chaque couleur de la riche palette instrumentale berliozienne. Dans la « Marche des Pèlerins », où l’auditeur doit percevoir l’effet de rapprochement puis d’éloignement de pèlerins imaginaires, leur psalmodie nous a peut-être paru un peu trop proche à son début, mais leur éloignement et la raréfaction finale des sons ont été amenés avec une maîtrise rare. La « Sérénade d’un montagnard des Abruzzes à sa maîtresse » a ensuite laissé place à la sentimentalité, inspirée par la bien-aimée plutôt que par le rude montagnard, avant le sombre début puis l’emportement sauvage d’un dernier mouvement rutilant à souhait. Avec Ravel, Paavo Järvi a poursuivi l’exploration des coloris variés de son orchestre entamée avec Berlioz. Les bois ont particulièrement été mis en valeur, en premier lieu la flûte, avec ses phrasés subtils, des timbres lumineux et éthérés, avant de conclure sur une bacchanale brillante. Bref, une bonne soirée.


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