Matsuev glorifie Rachmaninov
Quand prit fin la guerre de 40, le monde se retrouva d’un seul coup de baguette hébété, à se reconstruire. L’insouciance des années trente, poursuivie malgré la crise de 1929, avait expiré son hédonisme néo-classique au moment des hostilités. Une révolution esthétique s’imposait : elle s’imposa, soucieuse de table-rase avec un art austère et rigoriste. Mort tout récemment, en 1943, Rachmaninov semblait appartenir à une autre civilisation définitivement périmée, avec ses oripeaux rococo. Relégué au grenier du temps jadis, on l’extrayait parfois de sa malle, au milieu des éventails de grand-mère, des plumes Sergent-Major, des soldats de plomb, des baisemains langoureux, des tasses et des poupées de porcelaine, des toupies, des torpédos, des tambours et des concertos, avec irrévérence et désinvolture. Il restait lové dans ses arpèges en rivières de diamants, dans ses octaves à décorner des bœufs, des effluves d’un romantisme évanoui, trop orné, trop kitsch, et qui n’était plus de bon ton quand le travail reprit son bail, l’industrie son tri, quand le formica se répliqua.
Je vois la perplexité vous gagner. Vous levez le sourcil, ne le niez pas. Ce n’est rien pourtant qu’un palier de décompression. Topez là ! Je vous propose de regarder une séquence d’un film daté de 1955 : Sept ans de réflexion. Il faut remarquer tout d’abord le style visuel qui emprunte à Norman Rockwell et à Gil Elvgren. Fermez les yeux. Vous y êtes ? Pendant l’absence de sa femme, un homme marié cherche à séduire la voisine du dessus, particulièrement affriolante. Inutile de vous dire laquelle des deux joue Marilyn Monroe. Fouillant dans sa discothèque pour y trouver une musique d’ambiance il écarte Debussy, Ravel et Stravinsky pour tomber enfin sur le compositeur adéquat, celui qui répond intimement à ses désirs :
_ Voilà pour la pépée : Rachmaninov ! Le grand jeu. Plein la vue… Une opération de commando. Cher vieux Rachmaninov… 2ème concerto, ça ne rate jamais.
Dans son rêve préalable, Marilyn arrive en robe du soir et fume-cigarette, alors qu’il s’imagine lui-même porter une robe de chambre en satin rouge que vient compléter un foulard de soie autour de son cou. Cet uniforme, un public de l’époque le décode instantanément : il caractérise un vieil aristocrate old school peu dangereux pour les femmes : une image du séducteur de roman dont on sait qu’elle n’est qu’un fantasme incompatible avec la réalité. Comment dire à mes lecteurs, sans choquer personne, que le domaine dont il s’agit véhicule de nombreuses préconceptions. Par exemple il est courant d’entendre penser que les culturistes seraient sous-équipés, autrement dit que la “gonflette” viendrait compenser la miniaturisation de leur entre-jambe. Autre exemple : on répète à l’envi que ceux qui en parlent le plus le font le moins. Sans qu’il soit nécessaire de déterminer dans ces lignes si ceux qui en parlent le moins le font effectivement le plus, nous pouvons pourtant sentir affleurer la même logique du contrebalancement. La surenchère de préparatifs de séduction annonce l’échec, et de la rupture naît le rire, tous les traités vous le diront… Vous m’interjecterez que Tom Ewell dans ce costume à contre-emploi présentait la seule manière de poser un regard humoristique sur ce badinage. Si le rôle de Sherman avait été joué par le Marlon Brando archétypal d’Un tramway nommé Désir (1951), rien de drolatique n’aurait saupoudré la scène et l’on n’avait plus besoin de Rachmaninov : il fallait revoir le dialogue dans une histoire totalement différente. Soit. Revenons donc à notre film. Dans une volute de fumée, la belle évaporée laisse échapper :
_ C’est déloyal.
_ Déloyal, pourquoi ?
_ Chaque fois que j’entends ça, je ne suis plus à moi… Ça m’émeut, ça m’envoûte, ça me donne des frissons, j’ai la chair de poule, je ne sais plus où je me trouve, ni qui je suis même, je ne sais plus ce que je fais : n’arrêtez pas ! N’arrêtez pas ! N’arrêtez jamais plus !
Dois-je souligner qu’il s’agit clairement d’une parodie ? La musique de Rachmaninov exacerberait des pulsions refoulées, exalterait l’inconscient. Par la suite il s’avèrera que la poupée, quand elle arrivera en chair et en soif d’air conditionné, de champagne et de chips, avoue rester insensible à la musique classique. Le séducteur à la petite semaine et la blonde hydrogénée devront se rabattre sur une rengaine, moins classe mais plus efficace. On peut s’interroger sur ce qu’il faut comprendre, surtout quand le célibataire précaire conclut:
_ On ferait mieux d’envoyer Rachmaninov se rhabiller, ce n’était pas une si bonne idée que ça…
Si l’on y réfléchit, Rachmaninov ne s’avère pas incapable de faire son job, ce sont les deux citadins égarés qui démissionnent car ils ne peuvent assez feindre un raffinement qui leur est étranger. Rappelons que le sujet de la comédie ne porte pas sur la musicologie, mais l’adultère. A cette époque au cinéma, la censure s’exprime au travers du code Hays pour interdire toute expression de la sexualité, et même toute allusion trop explicite à la sensualité afin de ne pas tracasser la rigueur morale du nouvel âge d’or. On se méfie des images, on se méfie de la musique. Pourtant, avec le temps on peut s’étonner de voir en ces années 1950-60 Rachmaninov se résumer au racolage sentimental, qui en l’occurrence échoue devant une fille exempte de pudibonderie mais aussi d’éducation. Qu’on ne s’y méprenne pas, mon propos n’était pas d’incendier l’œuvre de Billy Wilder (qui lui n’aimait pas son film, et cela malgré son succès commercial) et l’on peut s’esbaudir à ce huis clos (ou presque) sans partager les opinions musicales d’un newyorkais moyen. Ce qui nous semble risible aujourd’hui n’est pas la grandiloquence d’une musique inadaptée aux normes de la vie moderne, mais bien l’existence étriquée qui asphyxie les individus (à l’image du décor encombré jusqu’à la suffocation), les rendant incapables de percevoir la grandeur et l’émotion. La société de consommation au lieu de leur ouvrir l’esprit, de les combler, les frustre, les castre, les rétrécit. Le préjugé contre la musique de Rachmaninov qui rend ici le spectateur complice des préparatifs du Casanova d’occasion, contaminait tout le monde occidental et dura des décennies. Les gens bien comme il faut, affectaient de ne pas prendre au sérieux un romantisme qu’ils jugeaient dépassant la mesure des convenances. Ils préféraient s’ennuyer ferme à la musique aléatoire, concrète, acousmatique, stochastique, algorithmique, dodécaphoniste, sérialiste intégrale… et j’en passe et des meilleures. C’était plus valorisant.
Je sais que certains guettaient cet instant pour m’opposer le coup de tonnerre du premier Concours International Tchaïkovsky de Moscou remporté en 1958 dans des circonstances rocambolesques, par un américain : Van Cliburn, avec, devinez quoi dans son programme ? Le 1er concerto de Tchaïkovsky et le 3ème de Rachmaninov. Nous sommes en plein dans notre sujet. Tout courant génère un contre-courant. Quand celui qui est minoritaire devient majoritaire, une autre tendance naît pour le combattre. Le public découvre à l’occasion d’un événement qui possède une dimension politique non négligeable, qu’ailleurs où règnent d’autres coutumes, certaines extravagances ꟷils auraient dit peut-être « certaines licences »ꟷ, avaient cours. Pourtant malgré les tournées triomphales, ce répertoire va rester en marge, un exotisme passager.
Il faut mentionner cependant que Rachmaninov n’était pas seul boudé par la morgue d’une vaniteuse modernité. Dans son purgatoire il était même en très bonne compagnie et croisait, par exemple Puccini, Gershwin, Poulenc, et, en vrac : Massenet, Schubert, le Stravinsky néo-classique, Fauré, Bellini, Brahms voire Mahler et tant d’autres devenus respectables de nos jours. Il ne faudrait pas croire non plus que les interprètes furent épargnés. On pensait alors que les pianistes antérieurs à Rubinstein n’en faisaient qu’à leur tête et se complaisaient dans des excès condamnables, saugrenus, égocentriques. Il s’agissait pour eux, disait-on rien de moins que de s’attirer les faveurs du public, faute impardonnable. En ces années de reprise économique, celle des trente glorieuses, une leçon de l’Histoire de l’Art venait d’être tirée : on savait désormais qu’il ne fallait à aucun prix, si l’on voulait mériter l’estime de la postérité, plaire à ses contemporains.
Au sommet de sa gloire, s’étant fait un prénom qui occultait désormais celui d’Anton et de Nikolaï avec lesquels il n’avait d’ailleurs aucun lien de parenté, Arthur Rubinstein n’hésitait pas à en rajouter une couche, et ne se faisait pas prier pour évoquer à quel point les mélomanes lui avaient reproché à ses débuts, son Chopin sec et sans élan. Dans le récit enjolivé d’une difficile reconnaissance, tandis qu’il ployait déjà sous les honneurs, le pianiste savait jouer sur du velours et combien désormais sa vision du compositeur polono-français passait pour idiomatique et définitive. Quand on réécoute honnêtement les témoignages raillés de ses prédécesseurs tels Moriz Rosenthal, Ignaz Friedman ou Josef Lhévinne (le mari et professeur de Rosina Lhévinne qui forma Van Cliburn), on prend conscience à quel point il faut mettre en doute les poses avantageuses, les idées reçues, tout le carton-pâte des prétendus connaisseurs auto-proclamés. On se traîne dans la fange à colporter que les artistes d’autrefois plongeaient dans le ridicule, alors que ceux de maintenant resteront à jamais irréprochables. Arthur Rubinstein avait eu du mal à s’imposer, simplement parce que la concurrence était rude et que ses aînés, ses rivaux, méritaient l’estime. Il n’a rien gagné à les dévaloriser. Mais l’ère moderne avait besoin de s’affirmer contre son passé. S’il avait été question de violon, j’aurais montré comment à la même époque, toute une génération a voulu détrôner Kreisler pour Heifetz, des ténors, comment certains cherchèrent à dégommer Gigli pour Björling etc…
Quarante ans après Van Cliburn, au même âge, mais russe, Denis Matsuev peut s’enorgueillir de remporter le onzième Concours International Tchaikovsky de Moscou. Puisque nous avons nommé le professeur de Van Cliburn, Rosina Lhévinne, dont tout mélomane doit avoir écouté le 21ème concerto de Mozart et le 1er de Chopin, il convient également de citer Sergeï Dorensky pour Matsuev, dont il est possible de se procurer le double CD magistral des mazurkas de Chopin. Il a fallu ensuite, à travers le monde pour le jeune primé, faire honneur au jury qui l’a intronisé. C’est l’effet boomerang, ou si l’on veut le renvoi d’ascenseur. En effet toute compétition internationale fonctionne sur la réciprocité : la gloire du lauréat, s’il a bien été choisi, rejaillit sur l’institution pour que celle-ci puisse continuer d’exister. Matsuev a généreusement rempli son contrat. Certains concurrents ne joueront jamais aussi bien que lors de la compétition. Ce n’est pas le cas. En 1998 il était déjà prodigieux, mais après bientôt vingt ans, l’approfondissement de ses moyens ne laisse pas de surprendre. La bascule s’est opérée à partir du moment où l’on n’est plus venu pour un concerto de Prokofiev, de Shostakovich (ou d’un autre compositeur), joué par Denis Matsuev, mais pour Denis Matsuev, pour lui, qu’importe ce qu’il avait décidé de proposer. L’attente croissante est immense mais les épaules du pianiste sont solides. Et ses paluches… magiques.
A côté de moi, un spectateur après avoir feuilleté le programme, glisse à son voisin :
_ C’est quoi le Concours Tchaikovsky ?
_ C’est l’épreuve remportée par Matsuev.
_ Ah, bon ? Alors, ce doit être très bien.
Je regarde les fauteuils se remplir peu à peu. Certains s’asseyent au premier rang à un mètre du piano. Je me dis à moi-même qu’ils ne vont pas regretter. L’Auditorium de la Maison de la Radio n’a qu’un peu plus de deux ans d’âge. Une belle salle qui abrite presque 1500 places unifiées par des tons de bois très chaud. Les balcons ceinturent la scène de tous côtés, comme pour exprimer le besoin de serrer les artistes au plus près, de mieux leur manifester l’enthousiasme. Matsuev arrive. Il est chez lui. Comment le remercier de nous recevoir aussi simplement ? Les premières notes de piano s’élèvent. Mon Dieu, je n’ai jamais rien entendu d’aussi beau de ma vie. Ballottée par le premier thème, la caravane d’un voyage initiatique se met en branle, et nous voilà conduit dans un dédale surprenant. Ce 3ème concerto, Denis l’aura joué à travers le monde, avec les meilleurs orchestres et les plus grands chefs. J’ai encore dans l’oreille la soirée du 12 juin 2016 au Théâtre des Champs Elysées avec l’Orchestre Philharmonique de l’Oural sous la direction de Dmitri Liss. Il y a eu Montpellier en juillet dernier avec Gergiev. Comment ignorer la version “historique” dirigée par Slatkin (2013) où, dans le même concert, Denis effectue le tour de force d’aligner à Moscou et à la suite, les concertos 2 et 3, qui se déniche encore facilement sur internet quand elle ne passe pas en boucle sur Mezzo, alors que, soit dit en passant, il est scandaleusement impossible d’acheter le DVD dans le commerce.
Il ne faut pas attendre de l’Orchestre National de France toute l’élasticité, la fusion des timbres, la subtilité du Mariinsky. Mais Denis possède au plus haut degré, la faculté du dialogue. Rien de rigide ou de formaté chez lui, tout respire et tout vit. Il ne joue pas deux fois de la même façon et voilà pourquoi jamais l’on ne se lasse d’entendre l’une ou l’autre de ses versions. Il flaire l’esprit du lieu, le parfum du moment, goûte la température ambiante en l’occurrence de cet orchestre et de ce chef. Il devine l’humeur du public et lui offre ce soir une vision particulièrement raffinée, terriblement éloquente. Tout est simple, vrai, noble, intense aussi. Avec Rachmatsuev au clavier, chaque musicien de l’orchestre éprouve que le soliste ne vient pas “faire son numéro”, mais qu’il désire partager une expérience musicale et humaine. Chaque pupitre va s’efforcer de répondre à l’attente et d’atteindre son meilleur. Avec Rachmatsuev au premier plan de la scène, chaque auditeur se rassure, le moment sera inoubliable. Quelle élégance dans l’exécution de l’espagnolade, avec ses périlleux percutants pointillés de notes répétées, surgissant dans le mouvement central ! Quelle aisance dans l’articulation des divers tempi qui circulent tout le long du dernier mouvement ! Quel naturel dans l’expression ! Quel don pour faire chanter la phrase ! Quel charisme ! Beaucoup de musiciens et non des moindres, ne sont que des intermédiaires. Ils se flattent de se voir reconnaître la retenue, on dit parfois “la réserve”, pour qualité majeure. Ils veulent bien traduire la volonté du compositeur, mais ils n’en sont pas responsables et souhaitent que cela soit bien précisé. La particularité rare de Matsuev est d’assumer ce qu’il joue… et de pouvoir le faire sans jamais tricher. Il ne recule devant aucune émotion : à travers lui nous pouvons la vivre. Oui, comme le tendre et le délicat, il peut restituer le grandiose et le titanesque, le rendre crédible. On s’interroge : comment un tel artiste parvient-il à gérer le stress que multiplie un répertoire d’une difficulté notoire, des voyages incessants, des répétitions en décalage horaire ? Nul doute que son mental de sportif ne recèle quelque secret. Nul doute que la franchise de son approche ne lui fraie un chemin vers la vérité. Chez un simple virtuose on détaillerait les prouesses techniques, mais avec Matsuev, ce stade est pulvérisé : c’est la Musique entière qui par ses mains de feu pénètre en nous comme le soleil au zénith.
Les trois mouvements passent comme un songe. La salle, pleine à craquer, reste sous le choc, tétanisée. Ce que l’on vient d’entendre n’est pas concevable, de pureté, de perfection. Chacun hésite à bouger, a déranger l’ordre des sphères, chacun voudrait se pincer pour vérifier qu’il est bien sur terre et qu’il vient de baigner, non pas dans le lac Baïkal, mais dans l’écho du paradis, le Paradis de Tintoret bien sûr. Les applaudissements s’amplifient, trouvent un tempo pour la scansion. Matsuev revient pour l’Etude-Tableau de Rachmaninov opus 39 n°2. C’est un délice d’intériorité comme de grandeur, un sentiment d’éternité. Il nous aime pour nous offrir ce bijou. Dans l’air se répand le mirage que toute la nuit pourrait durer ainsi… On vit une sorte de purification, de transfiguration. Rachmaninov se voit accueilli depuis récemment parmi les génies musicaux où nul ne lui conteste la place désormais. Un nouveau souffle, répandu par des interprètes de la trempe de Matsuev, réussit à installer Rachmaninov dans sa gloire. Serait-ce l’endroit pour évoquer cette merveille qu’est le CD Unknown Rachmaninoff gravé en 2007 par Denis Matsuev sur le piano du compositeur, enregistré à la Villa Sénar ? Dans ce cas on ne peut éviter d’ajouter “un must” : le CD du 3ème concerto suivi de la Rhapsodie sur un thème de Paganini avec Gergiev.
Un deuxième bis, mais jazzy, vient nous signifier, chacun le sait bien, que ce sera le dernier. Matsuev se montre particulièrement en verve dans son improvisation. Il part sous les clameurs. Mais voilà bien l’incompréhensible : il part. Pourquoi doit-il partir ? Sans vouloir blesser personne, il faut l’avouer, on n’est là que pour lui. Un nuage stérile de regret nous assombrit de son embrun. C’est l’entracte. Il ne nous reste plus à entendre que la 7ème symphonie de Dvořák …
Ecrire que Denis Matsuev a remporté un triomphe, que le public était transporté, reste bien en dessous de la vérité. L’effet Matsuev dépasse largement la notion de succès. Bien sûr les auditeurs l’adorent, inondés par la gratitude. Le pianiste superlatif, ou plutôt “Denis l’archange”, vient apporter du bonheur à tous ceux qui s’approchent. Il permet à chacun de retrouver l’intégrité de son être. Au moment même où j’écris, les acclamations de Moscou pleuvent sur son passage. Le 28, à Bologne, il va prodiguer le 3ème concerto de Beethoven : vous subodorez ma frustration ! Et j’imagine Matsuev dans le 5ème concerto Empereur… A n’en pas douter Tokyo règle les derniers préparatifs de la cérémonie pour son arrivée, Londres ronge son frein, Berlin organise un emploi du temps à respecter méticuleusement, Madrid brûle et trépigne d’impatience et de joie, tandis que Paris s’angoisse : à quand la prochaine fois ? Matsuev offre la plus haute manifestation de la Musique et de l’Art à laquelle on puisse accéder. Il est une bénédiction, mais dans le même temps, une addiction. Et voilà que je me fâche. Je ne comprends pas la programmation de la Philharmonie, du Théâtre des Champs Elysées, de Radio-France… S’il faut en trouver, il y a de nombreuses scènes à Paris… Pleyel a changé d’orientation. Ne parlons pas du Palais des Congrès, mais il reste le Châtelet, voire le Théâtre de la Ville, Mogador et même la salle Gaveau ou la salle Cortot… Je furète, à droite, à gauche, je sonde internet, et je suis sûr que tous ceux qui étaient là ce soir vont faire pareil. Je lis ces mots terribles en bandeau sur mon écran : « Il n’y a pas d’autres concerts programmés Denis Matsuev pour le moment. » Il faut le laisser s’en aller sans savoir quand il va revenir. La révolte gronde.
Paris, janvier 2017
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