Gergiev et Matsuev, les Alchimistes

October 11 2013

Après avoir vécu de tels instants, avoir l’infine privilège, pour une collectivité de lecteurs et de mélomanes, de mettre des mots sur une alchimie qui tient pourtant de l’indicible : voilà pourquoi je fais ce métier…

Salle comble pour l’Orchestre Mariinski, Valery Gergiev et Denis Matsuev. Trois oeuvres de Rachmaninov. Trois visions et incarnations érudites, ardentes et originales. Des musiciens, libres, communient dans un acte de recréation. C’est rare; c’est précieux.

Arrive Denis Matsuev. Le colosse, tirant du piano une puissance terrifiante, est capable d’en faire perler des gouttes sonores cristallines. L’approche globale fuit tout rubato sentimentalisant. Voilà un Rachmaninov liquide, tantôt ruisseau, tantôt torrent, dont l’avancé est permanente, le flux allant et les rapports de tempos d’une logique imparable. L’aspect visionnaire se situe ici au niveau du 2e mouvement, relu comme un intermezzo, découlant de quelque canzonetta ou andantino semplice chers à Tchaïkovski. Cet intermède chantant nous plonge dans un Finale passionné, irrésistible. Pour montrer que derrière le colosse se cache un sculpteur, Matsuev cisèle unPrélude op. 32 n°12 de rêve, avant de se lâcher dans un hommage dynamité à Oscar Peterson.

Christophe Huss

Montreal

Le Devoir


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